Interview du Dr Gilles Pagès

Le Centre Scientifique de Monaco s’est engagé dans le dépistage du Covid-19 pour accroître les capacités de lutte contre la propagation du virus en Principauté.

Thierry Apparu s'est entretenu avec le Dr Gilles Pagès, Directeur de recherche INSERM, Responsable de l’équipe Mécanismes de résistance aux thérapies ciblées au sein du Département de Biologie Médicale du CSM, et initiateur du dispositif qui vient d’être mis en place au sein du laboratoire.

Pourquoi le Centre Scientifique de Monaco complète-t-il le dispositif de dépistage en place en Principauté ?

Actuellement le dispositif de dépistage consiste à envoyer les échantillons à l’extérieur de la Principauté, notamment aux services hospitaliers de Nice, de Marseille et parfois de Paris. Dans un contexte d’isolement des patients contagieux, l’externalisation des tests fait perdre entre 48 et 72h. Avoir la capacité de faire des tests sur Monaco réduit ce temps à 24h maximum. Le CHPG s’est doté récemment d’un analyseur permettant de tester en urgence une personne mais, le nombre de tests possibles n’est que de 12 par semaine à l’heure actuelle. Donc cette technique est réservée aux cas très urgents.

 En quoi le CSM est-il un moyen pertinent pour exécuter cette mission ?

Les tests de dépistage dits par PCR nécessitent des matériels de pointe dont le CSM est équipé pour la recherche fondamentale. Il était donc de notre devoir de mettre à disposition ces équipements utilisés de manière courante en recherche.

 De quelle façon le CSM participe-t-il au dépistage ?

Dans le contexte de crise médicale que nous vivons, tous les systèmes de soins sont saturés notamment les services de virologie qui effectuent les tests. Le CSM a développé une méthode qui est en cours de validation en collaboration avec le service de virologie de l’hôpital L’Archet à Nice. Les premiers tests réalisés en aveugle avec des échantillons dont le résultat était connu, ont été très concluants. Le CSM a donc mis au point une technique qui permet de faire des tests rapides en Principauté.

 Comment vous a-t-il fallu vous organiser pour répondre à cette mission ?

Quand j’ai vu sur le site du gouvernement que les tests étaient réalisés à Nice, Marseille et Paris, ma réaction a été de dire : et pourquoi pas au CSM ? Les machines étaient disponibles. Tout naturellement nous avons informé l’hôpital qu’elles étaient à leur disposition. Or, aucun personnel n’était formé au CHPG pour utiliser ce type d’appareils. C’est à ce moment qu’on a eu l’idée du développement de notre propre méthode.

On s’est heurté à ce niveau à la pénurie de consommables validés par l’Organisation Mondiale de la Santé. Il fallait donc trouver ces fameux outils de biologie moléculaire via des sources différentes de celles de l’OMS. Nous avons pour cela fait appel à nos fournisseurs habituels pour ce type de produits. Dans des conditions normales, ils sont livrés sous 72h maximum. Dans ce temps de crise, certains ont mis plus de 21 jours à nous parvenir.

Y a-t-il des risques ?

Cette question est également dépendante de la précédente quant aux produits utilisés et à notre organisation. Il était hors de question que des produits infectieux soient utilisés au laboratoire. Cela a été la première réaction, parfaitement justifiée, du Pr Patrick Rampal,  Président du CSM. Il fallait donc imaginer un procédé évitant complètement ce risque. Ce problème a été résolu en collaboration avec le CHPG qui fait les prélèvements nasopharyngés au sein de l’hôpital. Ces prélèvements sont traités dans un produit dénaturant qui détruit les particules virales infectieuses et qui lyse les cellules des patients contenant les virus. Ces manipulations n’affectent pas le matériel génétique viral et humain, matériel support des tests PCR. Cette méthode élimine tout risque infectieux. Pour augmenter encore les précautions prises, le transporteur de l’hôpital délivre les échantillons à la porte d’entrée du CSM, Avenue de la Quarantaine, coté département de Biologie Médicale. Toutes les expériences se feront dans une zone dédiée et isolée, de ce département.

 Combien de prélèvements peuvent être traités quotidiennement ?

Nous avons la possibilité de traiter entre 50 et 80 échantillons par jour. Le temps entre la réception de l’échantillon et l’obtention du résultat final (positif, négatif, douteux) est de l’ordre de 4 heures.

 


 

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