Explorer la biodiversité cachée du corail rouge : une étude de l’holobionte à l’échelle de la Méditerranée
Le corail rouge Corallium rubrum est l’une des espèces les plus emblématiques de la mer Méditerranée. Il forme des habitats complexes connus sous le nom de forêts animales marines, qui abritent une biodiversité marine riche. Si ses partenaires bactériens ont été largement étudiés, la diversité et le rôle écologique de ses partenaires microeucaryotes (champignons, protistes, algues, etc.) sont restés en grande partie inexplorés.
Pour la première fois, des chercheurs du Centre Scientifique de Monaco ont révélé la structure et la variabilité géographique des communautés microeucaryotiques associées au corail rouge à travers le nord-ouest de la Méditerranée. En utilisant une approche avancée de métabarcoding de l’ARNr 18S, l’équipe a analysé 46 colonies de corail collectées sur cinq sites couvrant près de 45 000 km², de l’Espagne à l’Italie.
Leurs analyses ont mis en évidence un ensemble de microeucaryotes, notamment des ciliés Licnophoridae et des dinoflagellés du groupe Dino-Group I Clade 1, présents dans toutes les localités étudiées, suggérant des interactions écologiques essentielles au sein du corail. Malgré ces familles partagées, l’étude a révélé une forte variabilité entre les sites et les années, indiquant que les conditions environnementales locales (température, nutriments, hydrodynamique) influencent fortement l’eucaryome (communauté de microeucaryotes) associé au corail. En effet, contrairement aux partenaires bactériens, qui restent stables dans le temps et l’espace, l’eucaryome du corail rouge s’est montré hautement sensible aux changements environnementaux. Cette flexibilité pourrait permettre aux coraux de s’adapter localement, mais aussi les rendre plus vulnérables aux stress, tels que les vagues de chaleur marine.
En identifiant les principaux partenaires microeucaryotes et en cartographiant leur répartition, cette étude fournit une base essentielle pour comprendre la résilience du corail face au changement climatique et pour développer des stratégies de conservation ciblées dans les forêts animales marines méditerranéennes. Ces résultats montrent que les coraux hébergent une véritable communauté de microeucaryotes dont la dynamique est étroitement liée à leur environnement. Comprendre cette biodiversité cachée est essentiel pour prévoir la réponse des coraux face aux futurs scénarios climatiques.
Publication :
Prioux C., Filipponi D., Ferrier-Pagès C., Allemand D., Tignat-Perrier R. « Unveiling the microeukaryotic landscape of the red coral Corallium rubrum across the Northwestern Mediterranean Sea ». Environmental Microbiology Reports (2025). DOI : 10.1111/1758-2229.70227
Pour plus de renseignements, veuillez contacter :
Mlle Camille Prioux
Dr Doria Filipponi
Publication en Biologie Marine - Équipe Écophysiologie et Écologie
Figure 1 : Répartition géographique des sites d'échantillonnage. Crédit : Prioux et al, 2025.
Figure 2 : Schéma récapitulatif. Cette étude démontre que l'eucaryome du corail méditerranéen Corallium rubrum présente une grande variabilité et que la dominance de certains taxons est influencée par des facteurs environnementaux spatio-temporels. Malgré cela, certaines familles microeucaryotes, telles que les Licnophoridae et le clade 1 du groupe Dino I, sont systématiquement présentes, ce qui suggère qu'elles jouent un rôle clé dans l'holobionte du corail. Crédit : Prioux et al, 2025.