Publications en Biologie Médicale - Équipe Hypoxie Tumorale et Métabolisme

Dernières études concernant les mécanismes ferroptotiques

Cette année marque le dixième anniversaire de l'identification de la ferroptose comme un nouveau type de mort cellulaire distinct de l'apoptose, de la nécrose ou de l'autophagie. Un grand nombre de publications accumulées au cours de la dernière décennie soutiennent l’énorme potentiel de cette mort cellulaire catalysée par le fer et dépendante des radicaux libres oxydatifs (ROS) comme stratégie d'éradication des cellules tumorales. Néanmoins, il reste encore beaucoup à comprendre sur les mécanismes ferroptotiques, ainsi que sur les conditions qui la favorisent ou l'empêchent.

            Comme son nom l'indique, la ferroptose est déclenchée par l'oxydation, catalysée par le fer, des acides gras polyinsaturés de la membrane plasmique, ce qui entraîne finalement la perte de son intégrité et de sa perméabilité sélective. Dans des conditions homéostatiques, ces événements de peroxydation lipidique sont équilibrés par la présence d’une voie antioxydante dédiée à la conversion des hydroperoxydes lipidiques en leurs dérivés alcooliques non toxiques. L'acteur central de cette voie antioxydante spécifique est la sélénoenzyme connue sous le nom de glutathion peroxydase 4 (GPx4), qui utilise le pouvoir réducteur du glutathion (GSH) pour la "neutralisation" des hydroperoxydes lipidiques. Depuis 2016, notre équipe cherche à identifier les vulnérabilités de la voie anti-ferroptotique dans l'adénocarcinome du canal pancréatique (PDAC) qui pourraient être utilisées comme cibles thérapeutiques pour ce cancer très agressif. 
            De précédents travaux de notre équipe ont révélé le rôle indispensable du transporteur de cystéine appelé xCT dans la prévention de la ferroptose dans le PDAC (Voir cet article et Actualité du 12/12/2019). Ce transporteur membranaire permet l'importation de l'acide aminé semi-essentiel, la cystéine, sous sa forme oxydée, qui est ensuite utilisée à de nombreuses fins dont la synthèse et le repliement des protéines, mais aussi la synthèse du tripeptide réducteur GSH. Nos données ont montré sans équivoque que la délétion du gène ou l’inhibition pharmacologique du transporteur xCT induit un déséquilibre en acides aminés et en redox dans la cellule PADC qui conduit inévitablement à la ferroptose. Néanmoins, notre étude ultérieure, portant sur l'effet du microenvironnement tumoral sur la susceptibilité du PDAC à la ferroptose, a montré que l'inhibition de xCT in vivo doit être puissante et complète en raison d'une interaction cellule-cellule intensive qui peut contourner l'inhibition de xCT dans un seul compartiment de la masse cancéreuse (Actualité du 16/10/2020 et du 13/07/2021). Heureusement, cela semble possible si l'on considère que la délétion génétique de xCT dans tout l'organisme n'a montré aucun effet négatif sur la physiologie des souris. Des effets similaires pourraient également être obtenus par dégradation pharmacologique de la cystéine plasmatique circulante à l'aide de la cyst(e)inase, qui ne présente également aucun effet négatif sur la physiologie de la souris.
            Dans la présente étude, nous avons poursuivi la dissection de l'axe majeur anti-ferroptotique et montré que la délétion ou l'inhibition pharmacologique de l'enzyme GPx4 a le même potentiel pro-ferroptotique que l'inhibition de xCT. Cependant, de manière surprenante, il n'en est pas de même pour l'inhibition de la biosynthèse du GSH. En effet, les données présentées dans l'article ont révélé que les cellules PDAC présentent une résistance beaucoup plus grande à la ferroptose induite par la déplétion en GSH. L'élément surprenant de cette découverte est le fait que les cellules maintiennent l'activité de GPx4, ainsi que la teneur en peroxyde lipidique, même en l'absence de GSH. Ce résultat innattendu met en lumière le potentiel d'autres petits thiols cellulaires capables de servir de donneurs d'électrons pour GPx4. Ceci disqualifie d'autant plus le GSH comme cible pharmacologique potentielle pour l'induction de la ferroptose, au moins dans le PDAC.
            Avec cette étude, nous avons terminé la dissection de l'axe majeur xCT-GSH-GPx4 anti-ferroptose dans les cellules PDAC et mis en évidence les cibles les plus puissantes sur lesquelles se concentrer dans nos tentatives de développement de nouvelles thérapeutiques anticancéreuses efficaces. Malheureusement, la pharmacocinétique des inducteurs ferroptotiques actuels n'est pas encore satisfaisante pour que ces molécules puissent être utilisées dans le cadre clinique. Cependant, étant donné le grand intérêt de la communauté scientifique et des cliniciens pour ce domaine de recherche, nous sommes convaincus que la découverte et l'application de médicaments pro-ferroptotiques approche.

Publications :

Daher B., Meira W., Durivault J., Gotorbe C., Pouyssegur J., Vucetic M. Genetic disruption of the γ-glutamylcysteine ligase in PDAC cells induces ferroptosis-Independent cell death in vitro without affecting in vivo tumor growth. Cancers (Basel). 2022

Vucetic M., Daher B., Cassim S., Parks S., Pouysségur J. Overcoming Therapeutic Challenges for Pancreatic Ductal Adenocarcinoma with xCT Inhibitors. Adv Exp Med Biol. 2021
 
Pour plus d'informations, veuillez contacter :
Dr. Jacques Pouysségur
Dr. Milica Vucetic